Jazz Magazine

NOUVEAUTÉ. Mette Henriette, ou plus précisément Mette Henriette Martedatter Rølvåg, vous connaissiez ? Moi non plus. Voici donc une vraie révélation, doublée, émotion oblige, d’un Choc.

D’emblée, le beau portrait noir et blanc de la demoiselle interpelle. Le regard est perçant, le saxophone ficelé dans le dos. Cette jeune Norvégienne native de Trondheim a l’air d’avoir du caractère. (Ce n’est hélas pas si souvent qu’une photo illustre une pochette ECM, et celle-ci donne instantanément envie d’en savoir plus.) Deux disques?! Est-ce bien raisonnable? Oui, parce qu’ils sont aussi addictifs l’un que l’autre. Dans le premier, Mette Henriette, Katrine Schiøtt et Johan Lindvall esquissent comme du bout des lèvres et des doigts quinze vignettes frissonnantes de sons. «Pleine lune d’automne / Des vapeurs rampent / À la surface de l’eau» : tel un haïku d’Hattori Ransetsu, chacune d’entre elles stimule l’imagination et provoque une émotion d’une exquise douceur, intense et fugace à la fois. Dans le second, dix musiciens les rejoignent pour interpréter une sinfonietta en vingt mouvements d’un raffinement extrême, qui laissent à chaque instrumentiste l’occasion de donner de la voix, entre cris (Wildheart) et chuchotements (But We Did). A la fin (dans Wind On Rocks et Bare Blacker Rum notamment), tout ce beau monde nous donne l’impression de danser sur des sables mouvants. Mette Henriette, qui n’a jamais étudié la composition, a rapidement «trouvé très naturel d’essayer de donner forme aux paysages sonores» qu’elle avait en tête. Ainsi, on ne se lasse pas d’explorer les paysages sonores habités par cette saxophoniste de la ligne claire et, bien plus vite que prévu, “Mette Henriette” a fini par rejoindre d’autres chefs-d’œuvre tangentiels qui nous hantent depuis des lustres: le seul et unique album solo de Mark Hollis, “Vernal Equinox” de Jon Hassell, “Strjon” d’Arfe Henriksen ou “Died In The Wool” de David Sylvian...

— Frédéric Goaty, Jazz Magazine